jeudi 6 novembre 2014

L'homme sans maladie - Arnon Grunberg.



Eric Reinhardt "L'amour et les forêts" n'a eu aucun prix, je considère ça comme une injustice, il a été souvent nominé mais jamais élu, il ne reste plus que le Goncourt des lycéens qui peut être me confortera dans mon idée, c'est le plus beau prix, ils sauront reconnaître que le livre de Reinhardt mérite d'être désigné, c'est le 18 novembre à Rennes. Attendons.

"L'absurdité est surtout le divorce de l'homme et du monde." Camus.
Une citation de Camus que j'ai trouvée sur le net, elle définit parfaitement le livre.

J'ai lu "L'Homme sans maladie", j'ai aimé, je l'ai lu doucement, il mérite que l'on s'attarde sur chaque ligne, bien écrit,  l'histoire de cette homme est passionnante.
L'homme lui même n'est pas passionnant, lisse, sans émotion visible, Sam est Suisse, il habite à Zurich, son père est indien, sa mère est Suisse, il fait tout pour gommer ce métissage. Sam a une soeur Aida, elle est atteinte d'une maladie musculaire dégénérative qui la cloue sur un fauteuil roulant, Sam aime s'occuper de sa soeur, lui laver les cheveux, lui parler, il est le pilier de la famille depuis que son père est mort.

Sam est architecte, il dira souvent dans le bouquin "Je suis architecte, je suis neutre, je suis citoyen suisse". Il a une tendre amie Nina, il aime sans passion cette jeune fille qui a un fin duvet sous le nez, même sa sexualité est complètement dénuée d'affection. Il n'est jamais malade, un homme sans maladie, ni physique, ni mentale.
Il est associé dans son cabinet d'architecte avec Dave. Un jour, ils reçoivent une commande d'un dénommé Hamid Shakir Mahmoud qu'ils ne verront jamais, il veut faire construire un opéra à Bagdad où les habitants de cette ville pourront écouter Puccini, Bagdad ville de tous les dangers où chacun se méfie de son voisin.
C'est à ce moment là que nous basculons dans l'absurde; Sam part à Bagdad pour rencontrer le commanditaire de l'opéra, il ne le verra jamais. Avant de partir Nina sa petite amie a mis un ruban vert à sa valise pour qu'il pense à elle, à l'aéroport il ne retrouve pas sa valise sur le tapis roulant, il la retrouve un peu plus loin mais s'apercevra plus tard que ses habits n'y sont plus, remplacés par d'autres affaires de mauvaise qualité, sales, Sam est bouleversé par cette découverte, lui qui est obsédé par la propreté.
Il se retrouvera très vite dans une situation critique, en un rien de temps il est prisonnier dans les cellules de l'Etat, déshabillé, attaché, on l'appellera "Chien" et on lui pissera dessus. Il en réchappera mais prendra goût à cette cruauté et demandera à Nina de lui pisser dessus dans le bac à douche avant de faire l'amour.

Sam ne comprendra pas que le monde est en train de changer, il acceptera de repartir pour Dubaï, l'Emir veut y construire une immense bibliothèque avec un bunker. Ce pays est en apparence paisible, qu'en apparence....Il y a beaucoup de cafards dans l'appartement de Sam à Dubaï, bizarrement il s'adaptera.... Son destin sera en marche.
"Tel un Kafka contemporain, Arnon Grunberg entraîne son héros, naïf et idéaliste, à travers des tribulations grotesques et cruelles, pour mieux le réduire en cafard d'une dérisoire comédie humaine".

Je vais vous laisser découvrir la suite de l'histoire si vous avez l'intention de lire le roman.

Il y a de très beaux passages sur le métier d'architecte, sur la conception d'un bâtiment.

Ce roman est la description de la condition humaine, beaucoup de noirceur mais aussi un peu d'humour. Il faut se laisser entraîner dans cet univers grotesque, violent..

Pendant ma lecture je me disais "ce livre me fait penser à un autre livre", c'était l'Etranger de Camus, le personnage est aussi imperméable aux sentiments que Meursault "un homme pauvre et nu". Il semble que ce soit aussi l'univers de Kafka, mais je ne peux pas juger, je n'ai jamais lu Kafka, juste des extraits, Kafka et Proust des auteurs oubliés par moi....

J'ai aimé lire ce roman dérangeant, corrosif. Merci à Augustin Trapenard de l'avoir recommandé.

Bye MClaire.