jeudi 6 avril 2017





Il va me falloir trouver les mots pour vous dire combien j'ai aimé ce livre bouleversant.
Par amour nous pouvons tout faire, aimer avec passion, pardonner, détester parce que justement nous avons beaucoup aimé, trop aimé, l'autre que vous adoriez, avec qui vous formiez un couple fusionnel, l'autre devient différent sans raison, apparemment sans raison, vous ne comprenez pas son attitude et pourtant, par amour il vous protège.
C'est ce qui arrive à Emélie, femme de Joffre, maman de Jean et de Lucie. Joffre est rentré chez lui après des mois passés loin de sa famille, il était au front et la capitulation a semé la honte et le déshonneur, il ne sera plus le même.

Muguette est la soeur d'Emélie, elle a aussi deux enfants, Joseph et Marline. Louis son mari a été réquisitionné par les Allemands, travail obligatoire. 

Ces deux familles vivent au Havre, ville côtière, dans la zone occupée. Pétain est à Vichy, les français sont divisés, géographiquement et dans leurs actes de résistance à l'ennemi, certains s'accommodent par nécessité, d'autres résistent.
Muguette admire Pétain, Emélie non. Emélie se pose en grande soeur, n'est pas toujours tendre avec Muguette qui a un caractère insouciant, gai, différent du sien, mais elle aime profondément sa soeur et ses enfants. Elle sera toujours là dans les moments difficiles et il y en aura.

L'auteure nous fait vivre d'une façon très réaliste les évacuations, les alertes, les bombardements sur la ville, les privations, la faim.
Le calvaire du petit enfant juif caché au milieu du charbon pendant plus d'un an, enfant martyr.
Le déchirement des parents qui envoient très loin leurs enfants pour les mettre à l'abri de la guerre. J'ai appris une chose que je ne savais pas, des centaines d'enfants normands ont été envoyés en Algérie dans des familles d'accueil, ils sont presque tous revenus, sauf ceux qui sont morts noyés dans le naufrage d'un bateau.
J'ai aussi appris que la ville avait beaucoup souffert des bombardements, surtout ceux des alliés, les Anglais voulaient repousser les Allemands pour faciliter le débarquement, des centaines de morts sous leurs bombes qui tombaient sur les maisons, les immeubles. La guerre n'a pas d'état d'âme, la victoire est son seul but. Nous le constatons encore aujourd'hui en Syrie.

Le Havre a été détruite à 80%, comme Lorient et Brest.

Comment la population faisait-elle pour résister à tous les maux de la guerre ? Il fallait beaucoup d'amour, de solidarité, mais attention dans les pires situations il y avait aussi de l'égoïsme, chacun pour soi lorsqu'il fallait sauver sa peau.

J'ai beaucoup aimé les deux garçons, Jean et Joseph, qui font preuve d'une grande maturité, ils sont jeunes mais se sentent responsables.

Comment ne pas penser aux migrants qui quittent leur pays en guerre. 

J'ai aimé les chapitres,un ou deux chapitres pour chaque personnage du roman, chacun raconte l'histoire à sa façon.
Les parents et les enfants décrivent leur ressenti.

A la fin du roman, il y a un passage qui m'a particulièrement émue, Marline doit quitter l'Algérie, sa famille d'accueil qu'elle adore et qu'elle appelle Pa et Ma, elle aime aussi Djaouida, Youssef, Yasmine.
"..Ma chambre, les eucalyptus, les ifs, les oliviers, les champs d'orangers et les citronniers, ceux d'absinthes et d'héliotropes, les nèfles et les bougainvillées, les cigognes perchées en haut des minarets, le bleu si particulier du ciel et celui si particulier de la mer, la terre sèche, brûlée, jaune et ocre, les colliers de piments rouges et les guirlandes de jasmin, les plaintes du muezzin, les bavardages des femmes qui étendaient leur linge de muret en muret, les vendeurs de bonbons et de gâteaux qui cassaient les blocs de nougat de leurs petits marteaux, les galettes de seigle parfumées au cumin, les joueurs de dominos, le thé à la menthe, la limonade, les jeux sur la place.."

Oui, c'était ça l'Algérie, les souvenirs de mon enfance, une énorme vague d'émotion m'a saisie, c'est si bien décrit.

Lisez ce livre qui déborde d'amour, vous ne pouvez que l'aimer.

Bye MClaire.