samedi 16 décembre 2017

"A l'ombre des cerisiers" Dörte Hansen



Une jolie couverture, "un petit miracle de livre", une note écrite à la main dans le rayon de chez Leclerc-Culture, une note qui disait le plus grand bien de ce bouquin, je l'ai acheté. Il est en poche et ce roman a été un best-seller en Allemagne.
Je l'ai commencé "pas mal, vraiment pas mal" mais il y a un mais, j'ai commencé à m'embrouiller en lisant les prénoms des personnages, pas habituée du tout à la littérature allemande, je confondais Hildegard et Bretta, Ida et Vera, Heinrich avec Hinni, en fait ils ne faisaient qu'un, Carsten et Karl-Heinz surgissaient dans l'histoire, Burkhard Weisswerth, le bobo de service, bref! j'ai eu beaucoup de mal à mémoriser les personnages et j'étais prête à mettre le livre de côté, cela aurait été dommage et Christian qui a des facilités pour prononcer la langue allemande, me reprenait. Le roman est aussi constitué en chapitres qui ne s'enchaînent pas, on revient en arrière, on repart en avant, c'est assez déroutant au début.
J'ai persisté, je n'aime pas laisser un bouquin en plan, il peut réserver des surprises, je n'ai pas eu tort, l'histoire est agréable à lire et plutôt émouvante, les difficiles relations entre une mére et sa fille, les blessures secrètes, les non-dits. J'étais finalement contente d'avoir lu ce livre jusqu'au bout.

L'histoire :

Hildegarde et sa petite fille Vera fuient la Prusse Orientale en 1945, un pays en ruines, il fait très froid, les gens meurent sur la route de l'exil, les mères épuisées pendent leurs enfants avant de se pendre elle-même, Hildegarde voit mourir son bébé dans son landau et le laisse au bord de la route, des scènes affreuses qui marqueront à jamais la petite fille Vera et qui transformeront Hildegarde en bloc de glace.
Elles se réfugient dans une vieille ferme en Allemagne près de Hambourg, dans une région de polders près de l'Elbe. Ida la maitresse des lieux leur offrira le coucher dans une pièce froide mais ne les nourrira pas :
-Il faudrait maintenant à ma fille quelque chose à manger, je vous prie.
Et Ida Eckhoff, forte de six générations de paysans du cru, veuve de son état et mère d'un soldat blessé au front, de riposter : "Moi, j'donne rien !"
Karl blessé, le fils d'Ida vit là avec sa mère, jambe droite raide, il a perdu un peu la raison, cauchemarde toutes les nuits, la guerre, la guerre, il surveille le ramassage des cerises assis sur son banc, Vera la petite fille s'en fera un allié, une infinie tendresse les réunira, Hildegarde deviendra la maîtresse des lieux et Ida mère de Karl préférera disparaître. 
Hildegarde prendra un amant, sera enceinte, accouchera d'une petite fille Marlène loin de la ferme et de Karl, Vera sera abandonnée aux bons soins de Karl. Il l'élèvera comme il pourra, elle héritera de la ferme, sera dentiste mais ne se mariera jamais, elle restera seule dans cette drôle de maison, jusqu'au jour où deux réfugiés se présenteront à sa porte, Anna et son petit garçon Léon, Anna est la fille de Marlène, demi-soeur de Vera...Elle vient de quitter son mari infidèle, meurtrie, elle a quitté le domicile conjugale pour laisser la place à l'autre aux ongles rouges. Le mari et la maîtresse voudraient qu'elle pardonne pour mieux vivre leur aventure, sans remords, ça elle ne peut pas !!
Les deux femmes, tante et nièce, écorchées par la vie tenteront de se construire une existence ensemble, dans cette maison où le soir elles entendent des chuchotements et des soupirs, une maison hantée par le malheur.
Je vais arrêter là....

Ce que j'ai aimé :

J'ai déjà écrit ce que je n'avais pas aimé.
J'ai aimé la description de ce pays, la vie de ces paysans attachés à leur terre, le chagrin de Heinrich lorsqu'il comprend que ses trois fils ne reprendront jamais la ferme, une peine ajoutée à une autre peine, il a perdu sa femme qu'il aimait tant dans un accident.
"Quand s’était glissée l’erreur ? Quand avait surgi ce malentendu, cette idée que les fils de paysans pouvaient choisir leur vie ? Opter tout simplement pour celle qui semblait agréablement variée et confortable ? "

Les passages sur la nourriture bio qui n'est pas toujours bio et la vie des "bobos" d'Hambourg qui décident de s'installer à la campagne pour vivre autre chose, enfin se retrouver, la campagne n'est pas la ville, j'aurais énormément de mal à m'adapter à la ville et le contraire est aussi vrai.
J'ai aimé Vera, la rude, la froide Vera qui cache tant de tendresse et tant de blessures. L'abandon d'Hildegarde la marquera à jamais.
Anne, qui pensait faire une carrière de musicienne jusqu'à ce que son frère se révèle un véritable génie du piano. Elle en souffrira, abandonnera tout. Sa souffrance est trop intense lorsqu'elle l'entend jouer, elle ne l'égalera jamais. Sa mère Marlene ne comprend rien. Mais Vera dira un jour à Anne:
-Tu ne connais absolument pas Marlene, tu ne connais que ta mère.
Que savaient donc les filles de leur mère ? Elles ne savaient rien. On peut tout demander aux mères, mais encore fallait-il ensuite pouvoir vivre avec les réponses.
La complexité des relations familiales. C'est vrai, nous ne connaissons rien des pensées secrètes de nos mères.

J'ai aussi aimé la façon d'expliquer la froideur des femmes de cette famille brisée. A la fin de l' hiver, les paysans arrosent les arbres, il se forme de la glace autour des bourgeons qui ne gèleront pas. Les femmes de cette maison se fabriquent une carapace de glace pour ne pas geler.
Et pour finir, j'ai beaucoup aimé Léon, le petit garçon très observateur, adorable enfant qui un jour attendrira Vera, elle qui n'a jamais caressé un enfant. Le vieux Karl était son enfant, elle s'en occupera jusqu'à sa mort, 92 ans.

Les passages les plus drôles, ceux qui décrivent la vie des citadins à la campagne

Ce livre est émouvant, bien écrit, je ne dis pas vous devez le lire mais vous le trouverez très intéressant lorsque vous aurez mémorisé les personnages. Une joueuse du club me disait que dans ce cas là elle dressait une liste avec une note "qui est qui" pour la guider au début de sa lecture. Je n'ai pas suivi son conseil, j'ai fini par comprendre.

Bye MClaire.