vendredi 31 décembre 2010

LES REVEILLONS :

Les réveillons de toute une vie, ils ont été nombreux et différents.

Je n’aime pas faire les bilans, le passé est passé, mais les réveillons sont souvent des bons moments dans mes souvenirs.

Dix neuf réveillons en Algérie, 5 réveillons à Paris, 19 réveillons dans le Berry, 25 réveillons en Bretagne.

En Algérie il y a eu deux périodes, l’insouciante et celle qui nous a laissé de tristes souvenirs, mais en même temps je ne me souviens pas d’un réveillon sans éclats de rire et sans une famille rassemblée, nous nous adaptions à la situation, il y avait la dinde que ma mère élevait toute l’année en même temps que ses poules et les coqs, elle aimait s’occupait de son poulailler, des petits poussins qu’il fallait qu’elle réchauffe parce que mon frère les avait plongés dans l’eau froide pour leur donner leur bain, je me souviens d’un coq qui nous terrorisait, il est passé à la casserole à l’occasion d’un grand repas, quel plaisir de le voir en morceaux dans une bonne sauce au vin. Il y avait donc la dinde farcie et toutes les pâtisseries, pâtes de fruits, fruits secs fourrés à la pâte d’amande, les pralines, les montecaos, couronnes à l’anis, bûche maison.

Comment voulez vous que je ne sois pas aussi gourmande en ayant été élevée dans une famille où faire la cuisine était un vrai acte d’amour.

Si nos voisins étaient venus, il fallait qu’ils repartent chez eux avant le couvre-feu, les hommes étaient hilares, l’anisette avait fait son effet, c’était le moment où les confidences et les petits secrets fusaient, mon père avait les yeux brillants et rieurs, les femmes se contentaient de râler un peu, les enfants fatigués, vaincus par la fatigue et gavés de friandises avaient été couchés sur deux chaises rassemblées en attendant de partir, dans les bras des parents ils continuaient leur nuit indifférents aux dernières plaisanteries et au froid qui sévissait dehors certaines années.
Les dernières années mes parents invitaient deux militaires qui passaient les fêtes si loin des leurs, nous les écoutions parler de cette France que nous connaissions si peu et qui était notre patrie, sans penser un seul instant que nous franchirions un jour la méditerranée pour y vivre, et surtout je ne soupçonnais pas qu’un jour un militaire prendrait tant de place dans ma vie, il se souvient bien des quelques réveillons passés là-bas. Le champagne ne coulait pas à flot, il était cher donc rare.
Le Mascara était moins rare !
Le lendemain, couscous, il fallait absolument un plat qui se multiplie, cela portait bonheur.

Les réveillons à Paris, la coutume de se retrouver avait repris sa place, à l’époque toute la famille s’était retrouvée dans la région parisienne après l’exode, d’immenses tablées chez les uns ou les autres, c’était le moment de la nostalgie, les jeunes avaient déjà pris leurs repères dans ce pays qu’ils ne connaissaient pas en arrivant et qu’ils apprenaient à connaître très vite, les plus âgés, enfin âgés tout est relatif, mes parents étaient loin de leur cinquante ans, oui eux se racontaient leur vie sur cette terre d’Algérie, un déchirement à chaque fois. La sœur de maman habitait (et habite encore) Clamart depuis longtemps bien avant l’indépendance, elle faisait le lien entre la vie passée là-bas et celle qu’ils allaient découvrir, lorsque je repense aux efforts qu’elle a du faire à l’arrivée des rapatriés je suis admirative, je ne sais pas si nous le ferions maintenant, elle hébergeait toute sa famille dans son petit appartement, évidemment il y avait des heurts, mais elle assumait. Je me souviens être passée chez elle un soir un peu tard, les matelas étaient parterre, un vrai dortoir, en attendant de trouver le logement rare à Paris, les marchands de sommeil existaient déjà, les loyers étaient prohibitifs pour un logement pourri.
Alors dès qu’une famille était installée dans son appartement, nous nous retrouvions pour les fêtes de fin d’année. Mon arrière grand-mère regardait les siens avec un œil fatigué mais heureux, les montecaos trônaient sur la table, pour elle c’était important et surtout nous étions tous vivants, personne ne manquait, des bébés nés ici étaient venus agrandir sa famille, arrière-arrière grand-mère. Nous pouvions rêver à une vie plus tranquille, sans violence. L’année qui s’annonçait ne pouvait qu’être meilleure, contrairement à maintenant.

Les réveillons du Berry, années bénies pour nous, de nouveau nous étions réunis mais moins nombreux, la famille s’était dispersée aux quatre coins de la France, ma grand-mère était partie, elle repose à Peyruis dans le midi. Nous nous réunissions surtout pour Noël, le réveillon du nouvel an était consacré aux amis.
Notre grand souci, trouver un restaurant correct qui organisait un réveillon, et nos tenues, à l’époque nous portions des robes ou des jupes longues pour les fêtes, mais lorsque j’y repense nous devions ressembler à un vol d’hirondelles, nous étions toutes habillées en noir et blanc, le brushing impeccable bien laqué, pour certaines d’entre nous, la visite chez l’esthéticienne pour un maquillage, c’était le grand jeu.
Il y a eu des réveillons inoubliables et d’autres ratés, des réveillons dans un restaurant au fin fond de la Creuse, la neige qui s’était invitée et des retours pénibles. Je pense que je préférais nos repas organisés chez les uns et les autres, des moments que nous nous racontons encore lorsque nous sommes ensembles à La Châtre.

Les réveillons en Bretagne, tout a radicalement changé, nous étions loin les uns des autres, et nous avions à notre tour des petits enfants, d’autres noyaux s’étaient formés, il y avait aussi beaucoup de disparitions, mes parents étaient devenus les plus anciens de la famille, mes cousins, cousines ont fait leur vie bien loin de nous, nous ne nous voyons plus ou très rarement, ainsi va la vie. Mon père est parti, maman va avoir 91 ans, tous les souvenirs d’Algérie sont dans notre mémoire, nous sommes les derniers dépositaires. Mes enfants ont leurs amis, ils font exactement ce que nous faisions à leur âge, ils passent le réveillon avec leurs copains, ce soir nous sommes seuls, mais sans tristesse, du moment que ceux que nous aimons sont heureux autour de nous, cela ne va pas nous empêcher de faire sauter un bouchon de champagne, j’ai préparé un bon repas, à minuit nous nous souhaiterons une bonne année en attendant que le téléphone sonne.
En espérant que la fin de 2012 verra la fin de mes ennuis, mais je vais prononcer les mots à la mode en ce moment « Surtout ne lâche rien ». Je suis née optimiste, rien ne viendra entamer cette joie de vivre. Hier j’entendais sur la 5 que la vie est souvent tragique mais qu’avec de l’humour on peut tout digérer, c’est mon cas. Riez, riez autant que vous pouvez, c’est le meilleur remède.




Alors santé, on trinque, et à l’année prochaine.  Bises à tous.  Bye MClaire.



Dessin :



Si cela avait été possible j’aurais pu vendre sur EBay cette année 2010, mais personne n’aurait été acheteur, trop de tracas. J’ai même pas réussi à gagner trois numéros au loto !! Pas grave, je m’appelle Esperanza.