vendredi 21 mars 2014

"Mémé" de Philippe Torreton


Si vous aimez le cinéma ou le théâtre vous connaissez Philippe Torreton. J'aime l'acteur, j'aime l'homme pour tous ses combats et maintenant j'aime l'écrivain. C'est un homme passionné, nous le découvrons amoureux de sa mémé dans ce livre.




Il y a une célèbre maxime qui dit "Pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient.". Oui, ne jamais oublier d'où l'on vient.
Il n'a pas oublié d'où il venait, de cette Normandie pluvieuse mais belle, d'un petit village Triqueville (en Normandie tous les noms des villages ou villes se terminent par VILLE)  où il passait toutes ses vacances chez sa mémé. Si vous ne veniez pas de Triqueville, pour les habitants du bourg vous étiez un horsain, même si vous habitiez à une dizaine de kilomètres.

De nos jours les enfants n'appellent plus leur grand-mère "mémé" c'est mamie ou pour faire un peu plus chic "grand-mère". J'appelais mon arrière grand-mère Mémé, j'en avais qu'une.

Autant le dire tout de suite, j'ai adoré ce livre, à mon avis c'est un bouquin qu'il faut lire d'une traite pour apprécier.
Un livre tendre, très émouvant et qui fait remonter en nous plein de souvenirs.
J'ai retrouvé un passage qui disait exactement ce que Christian me racontait tout dernièrement, il me parlait de ses vacances dans la ferme de ses grands-parents :
"Les oeufs pouvaient être sales, le lait gras irisé de jaune, parfois des poils de vache flottaient dedans -entre le pis et l'assiette il n'y avait pas bien long- et on le buvait tiède comme les veaux sous la mère."

Mémé ne gaspillait rien, elle recyclait, avait la parcimonie des choses, c'était une femme de la campagne, elle respectait la terre: "Les plastiques de ma grand-mère avaient peu de chance d'aller étouffer une tortue luth dans les mers chaudes."
Mémé embrassait aussi avec parcimonie, mais elle faisait tout avec amour, les repas familiaux, les chèques pour des cadeaux, l'argent économisé sur sa faible retraite " Je ne me souviens plus de la somme exacte, de toute façon elle ferait rire les visiteurs de fin d'après-midi de Madame Bettencourt....."

Mémé habitait une petite maison humide, la chambre était côté ouest, celui qui reçoit la Normandie pluvieuse en pleine face, une étrave de bateau.". Les enfants ont fait abattre un mur pour qu'elle ait une salle à manger plus grande, cette salle a reçu tous les meubles qu'ils ne voulaient plus, une sorte de dépôt Emmaus.

Mémé est allée voir jouer son petit-fils à la Comédie Française, place Colette, lui était tellement heureux de la voir là si fière, il aurait voulu lui faire tout connaître, mais elle repartait le soir même chez elle. Ses chaussures lui faisaient mal.

A la fin j'ai pleuré, mémé meurt à l'hôpital, elle avait perdu la tête, elle prenait sa fille pour sa mère, voyait des vaches manger les géraniums sur le rebord de la fenêtre de sa chambre d'hôpital, mais dans un dernier sursaut de lucidité à murmuré à l'oreille de son petit-fils "Ce n'est pas facile de mourir."

Je pourrais citer une multitude de passages aussi beaux les uns que les autres.

Philippe Torreton fait l'éloge des "gens de peu", il se moque de ce que peuvent penser les bobos, les snobs. C'est son enfance qu'il raconte et il en est fier, c'est pour ça que j'aime cet homme, ce comédien, cet écrivain.


"Mémé, c'est ma mémé, même si ça ne se dit plus. 
Mémé me manque.
 Ses silences, ses mots simples au Scrabble, sa maison enfouie sous les pommiers et son buffet d'avant-guerre. Ce texte est subjectif, partial, amoureux, ce n'est pas une enquête, ce n'est pas une biographie, c'est ce que j'ai vu, compris ou pas, ce que j'ai perdu et voulu retenir, une dernière fois.
 Mémé, c'est mon regard de gamin qui ne veut pas passer à autre chose".


Ma mémé. 


Nous avons tous des souvenirs des moments passés avec notre mémé. Je n'aurais pas pu jouer au scrabble avec ma mémé (arrière grand-mère), elle ne savait ni lire ni écrire, mais j'ai mangé des gâteaux délicieux, je suis allée avec elle chaque après-midi, même par grosse chaleur, mettre de l'ordre sur la tombe de ceux qu'elle avait perdus, je piquais les perles des gerbes pour faire des colliers, je l'écoutais raconter, elle nous faisait rire, toujours le petit mot moqueur, quelques mots d'espagnol parsemaient les phrases, elle était intelligente, je regardais les tomates qu'elle faisait sécher en plein été sur le muret de son deux pièces,  je l'ai amené de Paris à Peyruis sans savoir que ce serait son dernier voyage. Ma grand-mère a dû supporter des tragédies dans sa vie, mais elle n'était pas triste. Elle avait quitté l'Algérie à 80 ans et avait supporté la "transplantation"
Comme la mémé de P.Torreton elle avait dû faire sienne cette phrase d'Hamlet (elle n'avait certainement jamais entendu parler d'Hamlet) :
"Si c'est maintenant, ce n'est pas à venir. Si ce n'est pas à venir, ce sera maintenant. Si ce n'est pas maintenant, pourquoi cela viendra. Le tout est d'être prêt...", sauf qu'elle ne le disait pas comme ça elle aurait dit
"qu'est-ce qu'on peut y faire de toute façon ?".

Elle embrassait aussi avec parcimonie, mais elle nous aimait.

Lisez ce livre et gardez le, il n'est pas impossible que vous ayez envie de le relire. C'est MVonne qui l'a acheté, je vais le rendre mais il va certainement faire le tour du club de Plouharnel. Merci.

Bye MClaire.