Publié chez Gallimard en avril 2014.
Je n'ai pas hésité à acheter ce roman lorsque mes yeux se sont posés sur lui, pas sur l'auteur, il est séduisant mais il n'était pas en photo, sur la couverture du livre. J'ai touché le papier, il me plaisait.
J'avais lu "Soie" d'Alessandro Barrico, un tout petit livre, j'avais adoré ce bouquin. Je n'avais pas lu de critiques de "Mr Gwyn" mais j'étais certaine qu'il me plairait, l'instinct toujours. Je n'ai pas été déçue.
Une pépite ce roman, à déguster, à lire doucement phrase après phrase. Un livre sur l'écriture, les écrivains, la décision d'arrêter d'écrire et pourtant le manque se fait très vite sentir mais lorsqu'on a promis que plus jamais on n'écrirait peut-on tenir sa promesse?
L'histoire :
Mr Gwyn est un jeune écrivain qui a publié trois livres qui ont eu un certain succès, il écrit aussi régulièrement pour "Le Guardian". Un jour, il écrit un article où il énumère 52 choses qu'il ne ferait plus, Il ne veut plus écrire de livres mais en plus il n'aurait jamais voulu publier de romans malgré sa consécration d'écrivain à succès.
« la seule chose qui nous fait nous SENTIR vivants est aussi ce qui lentement nous tue. Les enfants pour les parents, les succès pour les artistes, les sommets trop élevés pour les alpinistes ».
Voilà, c'est exactement ça, Mr Gwyn ne se sent plus vivant, l'écriture le tue, il veut passer à autre chose.
Son éditeur et ami est catastrophé, il essaie de le persuader de renoncer à sa promesse, mais rien n'y fait.
Quelques mois passent et de nouveau le besoin d'écrire se fait sentir. Une visite dans une galerie de peinture, une rencontre avec une vieille dame dans une salle d'attente, l'idée jaillit, il deviendra copiste, mais ce métier est à découvrir. Ecrire des portraits, trouver des personnes qui voudront bien se soumettre à ses désirs tout à fait honnêtes et au bout d'un mois écrire le portrait de la personne, son histoire, ses secrets bien enfouis.
« Jasper Gwyn expliqua que ce projet d’écrire des portraits l’attirait parce qu’il mettait son talent à l’épreuve. Il se rendait compte du caractère absurde des prémices, mais c’était justement cela qui lui plaisait, dans l’idée que si on retirait à l’écriture la finalité naturelle du roman, quelque chose se produirait, un instinct de survie, un sursaut, quelque chose. Il dit aussi que ce serait ce “quelque chose” que les gens achèteraient et rapporteraient chez eux à la fin. Il ajouta que ce serait le fruit imprévisible d’un rituel intime et privé, non destiné à remonter à la surface du monde, échappant par là aux malheurs qu’il avait subis dans sa carrière d’écrivain. En effet, conclut-il, nous parlons d’un autre métier. Un métier dont un intitulé possible serait : copiste. »
L'idée semble absurde alors il décide de faire un essai avec Rebecca la secrétaire de son éditeur, une secrétaire très ronde qui veut bien poser nue comme chez un peintre. Elle deviendra son assistante jusqu'au dernier portrait qui sonnera le glas du métier de copiste, les très jeunes filles peuvent affoler les hommes, même ceux qui se pensaient à l'abri des tentations..
Mr Gwyn disparaîtra, s'évaporera, mais son secret sera découvert par Rebecca qui a toujours aimé l'écrivain sans rien dire. Découvrez le livre.
Ce que j'ai aimé :
L'idée que les individus ne sont pas uniquement des personnages mais des histoires.
"Vous savez nous sommes un tas de choses, nous les hommes, et toutes ensemble".
Lorsqu'il rend le portrait écrit à la personne, les gens ne peuvent pas s'empêcher de le toucher, un dernier geste, un remerciement. Le temps passé dans l'atelier leur a fait découvrir un autre aspect de leur personnalité.
Nous avons toujours une image de nous-même "Chacun de nous s'arrête à l'idée qu'il est un personnage engagé dans Dieu sait quelle aventure, même très simple, or nous devrions savoir que nous sommes toute l'histoire, et pas seulement ce personnage"
"Chacun de nous est la page d'un livre, mais d'un livre que personne n'a jamais écrit et que nous cherchons en vain dans les rayonnages de notre esprit".
J'ai aimé cette quête de l'écriture, ce besoin vital d'écrire. J'ai aimé le personnage de Rebecca qui comprend mais un peu tard :
"C'est fou ce dont nous sommes capables, pensa t-elle. Grandir, aimer, faire des enfants, vieillir-- et tout cela même lorsque nous sommes ailleurs, dans le temps suspendu d'une réponse non reçue ou d'un geste avorté". Mr Gwyn l'aimait et elle l'aimait mais ils n'ont pas su se rencontrer. Elle était prisonnière de ce corps trop imposant, lui voyait une autre Rebecca mais elle ne le savait pas ou feignait de ne pas comprendre à mon avis.
J'ai aimé la poésie de ce livre, un roman brillant, étrange. Il se peut qu'il ne plaise pas à tous les lecteurs, j'avais adoré "Soie" d'autres non, je crois qu'il faut rentrer dans l'univers de l'écrivain sans se poser de questions sur la vraisemblance des actes, des pensées, ne pas dire "Les morts ne parlent pas" La petite vieille rencontrée est morte mais il a des conversations avec elle, elle le conseille jusqu'à ce qu'il réussisse son métier de copiste. Est-ce que nous n'entretenons pas des conversations muettes avec nos morts ? J'ai toujours entendu "Nos proches ne sont pas morts tant que nous pensons à eux, c'est le jour où plus personne ne parle d'eux qu'ils sont vraiment partis". C'est vrai.
Alessandro Barrico a écrit un très beau portrait de Mr Gwyn.
J'ai commence le dernier FOG "L'amour est éternel tant qu'il dure" un autre genre, pour l'instant j'aime bien. L'été est propice à la lecture, je dévore, j'espère que tous les écrivains ne s'inspireront jamais de Mr Gwyn, ne plus écrire...
Bye MClaire.