lundi 2 janvier 2017

"Ecoutez nos défaites." Laurent Gaudé



Publié chez Actes Sud, j'aime bien la présentation des livres chez cet éditeur. Le livre est étroit et plus haut.

C'est le quatrième livre de cet auteur que je lis.
"La mort du roi Tsongor." "Le soleil des Scorta." qui avait obtenu le Goncourt (un Goncourt que j'ai lu, c'est rare."
j'avais aimé. J'avais adoré "Pour seul cortège." Alexandre le Grand et sa marche vers l'Indus.
J'avais écrit une gazette, si ça vous tente

http://gazettemarieclaire.blogspot.fr/2014/11/laurent-gaude-goncourt-pour-le-le.html

J'apprécie l'écriture de cet auteur, ses réflexions philosophiques, l'originalité de ses livres.

"Ecoutez nos défaites" est vraiment original, une construction pas banale. Des destins d'hommes célèbres et d'hommes de l'ombre. Laurent Gaudé entremêle la fiction et la réalité sans que jamais nous nous perdions.

La marche d'Hannibal accompagné de ses éléphants, il marche sur Rome. Il ne vaincra pas mais son nom restera à jamais dans l'histoire.
Le destin d'Hailé Sélassié, Empereur d'Ethiopie qui s'est battu et qui a perdu contre l'envahisseur fasciste. Sélassié et ses Rolls, ses bijoux, son peuple crevait de faim.
Le général Grant et la guerre de sécession. La fin minable de Grant "le boucher".
Assem Graïeb et Job, agents secrets, qui ont vu la mort de Khadafi, la mort de Ben Laden, tant de corps suppliciés, las de la folie des hommes à laquelle ils participent.
A chaque période du livre, les hommes ont été tués par milliers, les soldats se jetaient les uns contre les autres dans des corps à corps mortels.

Il y a Mariam, une archéologue irakienne qui cherche désespérément à sauver des oeuvres d'art avant que les islamistes détruisent tout. Mariam et Assem se rencontreront dans un hôtel, une nuit d'amour au milieu de ces massacres, ils savent qu'ils ne se reverront sans doute jamais. Une nuit d'amour, de douceur pour oublier l'horreur et il y a la petite statuette du dieu Bés, un Dieu monstrueux, nain épais, à gros ventre, nez écrasé, Mariam offre cette statuette à Assem pour qu'elle soit épargnée du pillage.

J'ai souvent vérifié sur Internet si le nom d'un village était réel, si le massacre des enfants dans  une école irakienne était vrai, je sais que des massacres ont vraiment eu lieu et existent encore, la télé n'est pas avare d'images, mais dans un lieu précis, je ne savais pas. 

Ce roman nous pose une question, comment peut-on se déclarer vainqueur après tant de vies sacrifiées, des corps mutilés, de ventres lacérés, des fleuves de sang, de terre rougie, imbibée par le sang.
Les personnages d'Assem et de Job m'ont vraiment touchée, même s'ils n'hésitent pas à tuer ceux qui sont les ennemis de l'Occident. Il y a toujours un moment dans notre vie où nous nous posons des questions sur nos actes.
"Nous n'étions que des hommes, il ne saurait y avoir de victoire, le désir, juste, jusqu'à l'engloutissement, le désir et la douceur du vent chaud sur la peau."

Mariam est aussi un beau personnage du livre, elle assiste impuissante à la destruction du patrimoine culturel de cette région du monde, Hatra, Mossoul, Palmyre, Bamiyan. 
Elle aussi se pose une question : fallait-il déterrer, violer les sépultures de toutes ces merveilles pour les exposer et finalement soient détruites plus tard, ne fallait-il pas mieux les laisser là où elles reposaient depuis si longtemps, loin de la rapacité des hommes ? Le passage du livre qui décrit la découverte des taureaux Apis est très beau. Le nom de l'archéologue Mariette sera pour toujours lié à cette découverte.

J'ai beaucoup, vraiment beaucoup aimé ce livre, sans doute parce que j'aime l'histoire et les épopées flamboyantes, même si à un moment le corps finit par s'incliner pour laisser la place à la mélancolie. C'est vrai, la victoire n'est jamais totale.

Bye MClaire.