dimanche 5 novembre 2017

"Fief" de David Lopez









Une jolie petite "gueule" qui n'est pas trop cassée par la boxe.
J'avais lu tant d'éloges sur ce livre, j'ai eu très envie de le lire, je sentais que j'allais l'aimer, je sentais que ce livre avait été écrit dans une complète liberté. Lorsque nous aimons lire nous pouvons tout lire si le livre est bon, des passages un peu crus, des mots qui ne sont pas les nôtres, la description d'un monde qui nous est complètement étranger, avec ses "cailleras", ses trafics, les abus, les petites combines.

David Lopez a écrit du rap et fait de la boxe, la boxe demande de la précision pour ne pas prendre des coups, ses mots sont aussi précis et ils nous atteignent aussi fort qu'un uppercut. 
Au moment où j'ai tenu le bouquin dans mes mains, j'ai dit :
-Il sera vite lu, pas trop épais.
Non, il ne peut pas être lu rapidement, les mots employés nous sont tellement étrangers, il faut s'attarder, lire doucement pour saisir toutes les nuances, je posais le livre sur mes genoux et je réfléchissais, comment arriver à comprendre ces jeunes des cités ou des banlieues désargentées ? Ils n'ont comme horizon que les tours, le petit bois près de chez eux où ils se rencontrent, le shit fumé à longueur de journée, les cartes, les copains d'enfance. Un avenir sans horizon.

Jonas, le personnage principal, est né dans une zone pavillonnaire située entre ville et campagne. Le père est une ancienne petite gloire locale du foot, mère absente. Jonas boxe, s'entraîne dans un lieu miteux. Monsieur Pierrot voudrait faire de lui un champion, beaucoup pour lui, un peu pour Jonas. Le reste du temps Jonas est désoeuvré, il rencontre ses potes, Jonas parle, Jonas cache bien son jeu, beaucoup plus intelligent qu'il veut paraître. Il y a parmi eux le plus instruit qui la ramène toujours un peu, Lahuiss.
J'ai ri, beaucoup ri lorsqu'il leur parle du Candide de Voltaire, Candide cultive son jardin, eux cultivent un plan de shit. Candide raconté à la façon de Lahuiss, tordant mais on comprend tout :
"Bien plus tard donc il retrouve sa meuf, Cunégonde, sauf qu'elle a morflé vénère t'sais, parce qu'elle a eu la lèpre ou je sais plus quoi mais voilà quoi elle a une gueule toute fripée la meuf, on dirait un cookie, mais t'as vu Candide c'est un bon gars alors il la renie pas "
"Ton jardin, si tu le cultives pas, il te donnera pas à manger. ..C'est tout con c'que j'te raconte en fait. Le jardin c'est juste une métaphore pour parler de ton être, de ton esprit"
Ces jeunes ont quand même le sens de l'honneur !
 La dictée proposée par Lahuiss, tordante, ils la font tous avec plus ou moins de fautes.
"Et Céline c'est une meuf ?"

Il y a aussi Wanda, la petite bourge qui s'encanaille, Jonas en pince un peu pour elle, mais il ne se fait aucune illusion, il est habitué à ne pas avoir d'illusions, il est lucide mais jamais honteux.

Les pages écrites sur la boxe sont très belles, très précises. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à mon père qui adorait Cerdan, il s'était levé dans la nuit pour écouter les commentaires du match qu'il livrait aux U.S.A, la radio était dans la pièce où je dormais, je l'avais vu l'oreille collée contre le poste, il ne pouvait pas manifester, il pensait que je dormais, mais je regardais et j'écoutais, j'ai toujours cette image en mémoire dès que j'entends le mot boxe..

J'ai lu ou entendu que David Lopez voulait appeler son bouquin "L'aquarium" il a dû changer d'idée, un auteur américain David Vann avait publié un livre "Aquarium" alors le mot FIEF s'est imposé, leur fief, leur territoire.
Le livre se termine comme il a commencé.

Je vous laisse découvrir ce bouquin que j'ai beaucoup aimé, mais je dois préciser qu'il ne peut pas être mis entre toutes les mains, si vous aimez Barbara Cartland il vaut mieux éviter. Un premier bouquin très réussi.

Bye MClaire.