mardi 16 février 2010


Une petite gazette écrite depuis Biarritz
La matinée commence, je suis entrain de lire « Les années » d’Annie Ernaux, et la télé est branchée sur la 5 qui diffuse « Les maternelles ». Je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle les deux époques, l’actuelle et celle décrite dans le livre et qui est la mienne
A la télé plus rien n’est tabou, aujourd’hui il s’agit de gynécologie, et les femmes parlent de leurs problèmes tout naturellement. Au même âge, jamais nous n’aurions pu le faire, sauf entre copines, là nous nous lâchions, si les hommes avaient entendu nos conversations, ils auraient été offusqués, les femmes sont souvent plus extraverties que les hommes dans ce domaine et souvent plus crues. Nous étions une bande de copines, on se voyait tous les jours et les sujets de conversation ne manquaient pas ! Ce que j’ai pu rire, mes zygomatiques étaient mis à rude épreuve. Années bénies.
Je reviens au livre d’Annie Ernaux, je suis au quart du livre, mais je devine toutes les pages à venir, tant cette époque ressemble à la mienne. La photo du bébé prise sur une peau de mouton, plus tard petite fille avec des socquettes blanches, la raie bien tracée dans mes cheveux raides et deux barrettes qui retiennent le tout, les photos d’école prises chaque année, les plus grandes derrière, et tout faire pour être à côté de sa meilleure copine, les visages boutonneux, ce bouton d’acné qui nous désespérait tant, les amours platoniques avec notre petit voisin, il nous regardait par-dessous et nous tournions la tête pour faire nos indifférentes. Les soirées d’été, il avait fait tellement chaud dans la journée, le soir nous prenions « le frais »
Quelques chaises devant la porte, les voisines papotaient, et nous petites filles nous jouions, lorsque l’heure du coucher approchait, je raccompagnais ma copine, elle me raccompagnait, et nous faisions cela jusqu’à ce qu’on nous oblige à rentrer, c’était avant 1955. Les repas de famille qui n’en finissaient pas, cela pouvait durer tout l’après-midi, les adultes parlaient de plus en plus fort et les enfants quittaient la table en douce pour aller jouer, jusqu’à que l’un d’entre nous se fasse mal et tout écorché dérange la tablée « Mais, qu’est ce qu’elle encore fait, elle est insupportable, on ne sera jamais tranquille ». J’étais juste montée sur une moissonneuse batteuse et j’étais tombée en me blessant à la tête, ma robe d’organdi blanche était rouge. Les meules de foin nous servaient de toboggan.
Un peu plus grande, je regardais mes parents qui vieillissaient, 35 ans et 38 ans, et je pensais qu’ils devenaient bien vieux, moi je ne voulais pas dépasser 50 ans, la jeunesse est cruelle.
Mon petit frère qui refusait d’embrasser mon arrière grand-mère parce qu’elle était trop ridée, il voulait qu’elle se repasse avant.
Pourtant hier en flânant aux Galeries Lafayette, j’ai croisé un couple qui prenait l’escalator, lui était de dos, elle blonde liftée certainement, il la tenait par la taille et l’embrassait sans arrêt, il s’est retourné et surprise le monsieur devait avoir plus de 80 ans. Il était heureux de vivre !! La carte bleue a dû chauffer. Mauvaise langue que je suis….
Il y avait aussi le tourne disque, le teppaz, nous écoutions en douce «Gare au gorille » chanté par Brassens, cela nous était défendu, la perversion. Mais est-ce que nous saisissions toutes les subtilités des paroles, je ne crois pas. C’était beaucoup plus sain d’écouter « Bambino » ou Gloria Lasso, la rivale de Dalida. Deux femmes si différentes. Une morte du mal de vivre et l’autre dans le dénuement le plus complet. Tiens je vais vous raconter une anecdote sur Gloria Lasso et elle est vraie. Vous savez qu’au Mexique le sport national est l’enlèvement pour en tirer une rançon, mon fils avait des amis qui ont une maison un peu en dehors d’Alpuyeca tout prés de Cuarnavaca, il était allé leur rendre une visite le dimanche et Gloria Lasso était là depuis quelques jours, elle vivait un peu en pique-assiette, elle avait tout donné aux hommes qui avaient traversé sa vie. Thierry rentre sur Mexico et le soir les amis entendent des bruits bizarres et aussitôt la maison est envahie par des hommes cagoulés qui ordonnent à tout le monde de s’asseoir, ils prennent les bijoux, quelques bricoles, et saucissonnent tout le monde, avant d’enlever Eric le propriétaire de la maison, Gloria Lasso saucissonnée sur son lit et qui hurlait « Vous ne savez pas qui je suis, je suis Gloria Lasso » et eux pas impressionnés du tout, lui demandent de fermer sa g… Pour Eric, après quelques jours de disparation, cela ne s’est pas trop mal terminé, il a pu se sauver pendant que ses gardes dormaient ; finalement le chef du groupe était le chef de la police locale.
Je vous laisse, je vais me replonger dans mes années d’ado, mais 68 pour moi n’a pas la même résonnance que pour les femmes qui étaient encore célibataires, j’avais déjà deux enfants et je ne vivais pas les choses de la même façon. De plus, je n’avais pas l’impression d’être opprimée par mon homme, l’esprit indépendant, et lui toujours très conciliant, alors pourquoi me plaindre. Mais 68 a certainement été une délivrance pour de nombreuses femmes. D’après Elizabeth Badinter qui vient de sortir un livre, il faut rester très vigilantes, la régression n’est pas loin.
Je n’ai pas de dessins cette semaine à vous faire partager, ce sera pour la semaine prochaine à mon retour. Vous avez des photos de Biarritz à regarder. Bye MClaire.