mardi 23 octobre 2018

"La tour abolie" Gérard Mordillat.








Vous avez peut être vu "Vive la sociale" à la télé, le film est sorti en 1983, vous avez peut être lu "La brigade du rire", deux exemples parfaits de l'univers Gérard Mordillat. Il est de gauche, même très à gauche, il a du talent.
Je n'écarte jamais les livres des gens de droite ou de gauche s'ils ont du talent.
J'avais beaucoup aimé "La brigade du rire", j'ai acheté "La tour abolie" en poche.

En haut de la tour Magister, trente-huit étages, qui pourrait se situer dans le quartier de la Défense, une grande compagnie d'assurances, tout son état major travaille là, son but le profit.
Des bureaux occupés par Nelson, William, Quentin, Xavier, Frédéric, Gladys et le Président Robsen. Ils sont des cadres supérieurs rémunérés deux cent cinquante mille euros plus les bonus :
"Les bon, vous les notez mal et vous les payez très bien. Les mauvais, au contraire, vous les notez très bien et vous les payez mal.."
"Le mauvais bien noté mais mal payé sera une proie offerte à nos concurrents. Ses notes témoigneront d'une excellence (factice) et son salaire d'une injustice. On se le fera piquer sans problème! Ce qui aura le double avantage de nous débarrasser d'un naze et d'en fournir un à la concurrence..."
Le cynisme règne.

A l'accueil, Peggy, blonde, bien en chair, minois de poupée et pas farouche. 
Les épouses des cadres supérieures ont aussi une vie un peu agitée, il faut bien s'occuper lorsque les maris sont souvent absents !! Vies privées difficiles.

Dans les sous-sols et les parkings, des misérables et Peggy qui dort là dans une voiture, avec son frère qui est un illuminé. Peggy prend tous les jours le RER pour tromper le personnel, elle revient lorsque plus personne ne risque de la surprendre. Peggy n'a pas les moyens de payer une location.

Deux mondes qui ne se côtoient jamais, la police vient quelquefois vider les lieux à grands coups de Karcher, mais ils reviennent, il y a des Popovs, les Rats, les Zombies, des drogués, des ouvriers sans papier qui travaillent sur les chantiers et qui se nourrissent avec les déchets du self, la cantine qui ne rapporte pas assez et qui doit être supprimée pour laisser la place à un Fitness plus rentable. La révolte viendra de là, les containers sont aspergés de javel et le self doit fermer.

Le décor est planté. 

Je suis partagée, j'ai aimé et moins aimé.
J'ai aimé les passages qui décrivent notre monde, les très nantis et les misérables, ceux qui consomment et ceux qui n'ont rien, l'auteur sait manipuler les mots, il décrit très bien le monde des grandes entreprises, plus aucune humanité que du profit. Les cadres supérieures ne voient rien arriver, ils sont manipulés et arrivera la grande remise en question.
Tout s'effondrera, le feu embrasera le trente-huitième étage.
Un feu d'artifice.
J'ai aimé Thelma, la femme de William, cadre chez Magister, Thelma écrit un blog, une révolutionnaire qui se contrefiche de ce que pourrait penser la direction de Magister. Elle soutient les sans-papiers, les marginaux. Une femme forte.
"Vous savez quel est le mal du siècle?
L'indifférence, dit Thelma. Tout le monde ferme les yeux, tourne la tête et se tait devant l'horreur du quotidien comme si cela suffisait pour être épargné."

J'ai beaucoup moins aimé les passages très crus, les mots grossiers prononcés par la faune. L'auteur n'était pas obligé de les transformer en animaux sans pudeur pour rendre son livre intéressant. J'ai souvent hésité à poursuivre ma lecture et le passage suivant me réconciliait avec le livre.

Alors quel conseil donner? Vous pouvez aimer, le style est tout de même flamboyant, l'histoire très intéressante, le destin des personnages peut concerner chacun de nous, vous pouvez être au sommet et plonger dans un abîme de misère, Nelson un cadre connaîtra la rue, la faim, la folie.
G.Mordillat dépeint très bien notre société, il y a du rythme, autant de choses qui peuvent vous décider à le lire.

Bye MClaire.