vendredi 5 octobre 2018

"Un clafoutis aux tomates cerises." Véronique de Bure.



Une jeune femme qui décrit si bien les sentiments d'une dame de 90 ans. Elle a dû côtoyer de très prés une vieille dame, l'écouter, la comprendre. Ce livre est un petit bijou de tendresse.

Je l'ai commencé et je n'ai plus pu le lâcher. 
J'ai commencé par éclater de rire en lisant chaque page, les réflexions désopilantes, les anecdotes, tout prêtait à rire et au fur et à mesure de l'avancement de ma lecture, je n'avais plus envie de rire, juste sourire, le sourire s'effaçait  pour laisser place à l'émotion.
Jeanne vieillissait, chaque jour lui apportait des contrariétés, des chagrins, Jeanne avait eu quatre-vingt-dix ans. Je ne me suis jamais ennuyée avec Jeanne.
Le temps n'est pas le même lorsque nous avons vingt ans, nous sommes à l'aube de notre vie, le temps s'étire, la vie s'ouvre à nous, à quatre-vingt-dix ans, si nous y arrivons, nous sommes au crépuscule de notre vie, la nuit tombe vite surtout en hiver. Il reste si peu de temps.

Jeanne vit dans un petit village, près de Vichy, son mari René est mort, il lui reste ses copines, ses voisins Fernand et Marcelle qui sont toujours disponibles pour lui rendre service, la femme de ménage qui vient une fois par semaine, la factrice qui s'arrête pour lui donner son courrier et prendre celui qui est à poster. Elle a des enfants qui vivent à Paris, sa fille qu'elle a eu un peu tard et avec qui elle est fusionnelle, descend souvent, ses petits-enfants accompagnent leur maman, son fils s'occupe de ses papiers. Elle n'est pas seule et  a la chance d'être en bonne santé et d'avoir toute sa tête, elle peut rester dans sa grande maison, s'occuper de son jardin, jouer au bridge, faire ses courses, elle conduit. A notre époque où tout va si vite, Jeanne vit dans une bulle hors du temps, à la campagne, elle regarde pousser ses légumes, ses fleurs, le bonheur est dans son coin de campagne, dans le Bourbonnais. Ses copines, Toinette est veuve, Nine aussi, Gilberte aussi. "Aucune ne s'est remariée. Aujourd'hui il n'y a quasiment plus d'hommes au-delà de quatre vingt-ans dans le pays. Il n'y a que Chantal qui n'ait pas eu de mari. On prétend même qu'elle n'aurait jamais vu le le loup..."

Jeanne raconte ses journées, jour après jour.Elle confectionne un clafoutis et confond les tomates cerises et les cerises qui sont congelées. Un autre jour, c'est une copine qui disparaît, puis une autre que ses enfants font rentrer en maison de retraite. Un autre jour, elle tombe. Elle entend moins bien mais elle ne veut absolument pas ces espèces de gros boîtiers beiges, aux allures de flageolets en plastique. Marcelle sa voisine a perdu la tête, hospitalisée elle meurt, Fernand est désespéré, il a trouvé une maison d'accueil. Tout s'effiloche, son entourage se rétrécit. Elle sait que la fin est proche. Il faut bien partir un jour.
"Demain, c'est le printemps. La traversée s'achève, enfin. Je distingue l'autre rive, celle de la vie qui reprend. C'est demain et pourtant l'horizon reste flou, comme lointain. Les couleurs m'apparaissent pâles, la lumière un peu blême, comme au travers d'un voile. Vais-je arriver à traverser jusqu'au bout? J'avance si lentement et je me sens si lasse.."

Un très beau roman sur le grand-âge, sur une vieille dame qui nous donne envie de vieillir, j'ai oublié de dire qu'elle jouait aussi au scrabble et qu'elle aimait beaucoup boire son petit coup de blanc avec ses copines. Elle peut ressembler à votre grand-mère, à une voisine que vous aimez, ce livre est du bonheur. "Du bonheur en mots" et j'ai envie d'ajouter, si vous êtes dans le troisième âge vous allez reconnaître certains de vos sentiments, les réflexions sur les enfants sont hilarantes.

J'aurais tellement aimé voir ma mère vieillir comme elle, quatre-vingt-dix-huit ans, mais rien, pas d'angoisse, pas de plaisir, pas de chagrin, pas de joie, pas de souvenirs, elle vieillit...

Ce roman est en poche. Ne vous privez pas de sa lecture.

Bye MClaire.