samedi 3 avril 2010


« La nostalgie est la nourriture des déracinés »

Est-ce la fête de Pâques qui me rend nostalgique ? Chaque année, je repense aux fêtes des rameaux et de Pâques en Algérie, lorsque nous étions enfants. Je raconte souvent à mes petits enfants la messe des rameaux, nous tenions entre nos mains des sortes de petits arbustes ou des branches de laurier, qui étaient décorés de papier brillant de toutes les couleurs, où pendaient des friandises, mandarines, chocolats, toutes sortes de sucreries, mais nous n’avions pas le droit d’y goûter avant la fin de la messe, un martyr pour une gourmande, et ultime souffrance, le curé de la paroisse avait l’habitude de prêcher sans fin, je comptais les feuilles qu’il tenait entre ses mains, je regardais les chocolats qui se balançaient sous mes yeux. Dés la messe finie, nous nous précipitions pour déguster nos friandises, nous faisions des échanges. C’était une coutume.
Pour Pâques, toute la famille se réunissait, soit pour un pique-nique géant, ou pour un repas partagé chez les uns et les autres. Cela sentait bon la mouna parfumée à la fleur d’oranger, les oreillettes, la cannelle. Je suis toujours très sensible aux odeurs, aux parfums, en septembre à Port-Vendres, j’avais repéré des mantécaos chez un boulanger grâce à l’odeur de la cannelle, ma grand-mère confectionnait ces petits gâteaux très friables.

C’était Pâques, nous sortions nos tenues d’été, nos robes blanches toutes neuves, les chaussures achetées pour cette occasion, les habits du dimanche. Le soleil était déjà chaud, ce n’est pas le cas cette année, je n’ai pas encore rangé mon polaire, une raison de plus pour être nostalgique.

En surfant sur le net, j’ai retrouvé aussi un souvenir, ces fleurs que nous appelions « vinaigrettes », des fleurs jaunes et nous sucions la tige qui avait un goût acidulé, je ne m’en souvenais plus. Je ne me rappelle pas du tout des œufs de pâques, est-ce qu’ils étaient cachés dans le jardin où poussaient les « vinaigrettes » ? Des œufs en chocolat, ou des œufs durcis et décorés, et un seul œuf cru, pour rire? Cette semaine il y avait l’anniversaire d’un enfant chez mes voisins, la maman avait caché des œufs dans le jardin, les enfants couraient, criaient, cherchaient, quel bonheur de les entendre, de les voir si joyeux lorsqu’ils découvraient un œuf en chocolat, eux qui sont si gâtés et qui ne pensent souvent qu’aux jeux vidéo. Un truc tout simple, mais ils étaient heureux, d’accord heureux, jusqu’au moment où le plus « chti’t » (ça c’est berrichon) s’est jeté sur un autre pour lui prendre son œuf, une petite bagarre, sous les yeux des filles qui s’étaient regroupées. Rien ne change.

Nous sommes aussi la dernière génération qui se souvient de ces années, après nous plus personne ne racontera les parfums, les magnifiques plages, Fort-de-l’eau, Tipaza, le rocher noir, les oursins dégustés sur place, tous les paysages ensoleillés, les disputes soudaines et les réconciliations, les mots prononçés trop vite et aussitôt pardonnés, les histoires racontées avec les gestes, l’excès d’amour des mamans, tout ce qui est typique des méditerranéens. Cette adolescence déchirée par la guerre, l’exil, le moment où il a fallu choisir les choses à emporter, laisser notre petite chienne « Gina » confiée à une personne que nous connaissions. Plus personne ne racontera.

Nous avons réussi à sauver quelques photos, un apéritif sous la treille de glycine en 62, un mois avant de partir, une journée à la plage de Tipaza, la plage et ses cabanons, une photo de moi à 17 ans en 59, c’est déjà Christian qui me prenait en photo, les jupons étaient très amidonnés, Christian et Gina à la pointe des blagueurs à Miliana, et une photo devant une brocante à La Châtre dans le Berry, le brocanteur avait bien voulu nous habiller, preuve que nous avons aussi eu des moments de bonheur après, nous étions jeunes, pour nous cela avait été plus facile de tout construire, puisque rien n’était vraiment construit. Mais l’enfance est une période capitale dans la vie d’un adulte.






Assez de nostalgie, demain dimanche, il y a le repas de Pâques avec nos enfants et nos petits enfants et leur sang mêlé, breton, méridional, espagnol, Luxembourgeois, quelle richesse !!
Je ne parlerai pas des Rameaux, promis, je ne veux pas qu’ils se regardent en pensant « Mamie radote ». J’ai acheté un beau gigot, pas de Nouvelle-Zélande, mais de Vendée, un vrai. Il n’y aura pas l’odeur de la cannelle et de la fleur d’oranger au dessert, mais en fermant les yeux, je suis certaine qu’il flottera dans l’air ce parfum que je n’oublierai jamais.

Pour changer radicalement de sujet, parlons scrabble, j’ai appris quelque chose cette semaine, toujours en surfant.
Lorsque vous avez la racine NITR, en mettant les cinq voyelles de l’alphabet après NITR, vous pouvez former : avec A- NITRATER, avec E- NITRER, avec I-NITRIFIER, avec O –
NITROSER, avec U-NITRURER. Vous le saviez peut-être, moi non, jamais fait attention.

Bye MClaire.