jeudi 17 juin 2010


Mille soleils splendides :

Avant tout je tenais à vous dire que non, je ne veux pas céder aux offres du groupe Citron qui me harcèle pour acheter ma gazette, c’est un des derniers carrés de liberté, je peux écrire ce que je veux et surtout je tiens à garder mon million d’abonnés fidèles qui me lit à chaque fois que je publie, je tiens à rester indépendante, c’est certain je ne suis pas obligée de vendre, mon endettement est très inférieur au journal le Monde, disons même qu’il est égal à zéro, de nos jours cette situation est très rare dans la presse, c’est sans doute pour cela que ma gazette suscite tant de convoitises, de plus le groupe Citron ne néglige aucune voie pour recruter de nouveaux lecteurs qui adhéreront à leurs idées, des millions de scrabbleurs…Arrêtez moi, je suis entrain de délirer, je rêve, des millions de scrabbleurs, sans licence peut-être, mais des licenciés beaucoup moins !! Vous avez compris, je ne vais pas me laisser corrompre, ma gazette est mon espace de liberté, j’y tiens, et je suis certaine que des centaines de journalistes ne sont pas prêts à perdre leur liberté de parole ou d’écrire, même si leur canard est racheté par des groupes près du pouvoir, enfin j’espère, je reste une incorrigible optimiste.

Passons à autre chose.

Parlons de l’autorité, l’autorité qui donne le droit à quelqu’un d’agir sur une autre personne sans que cette dernière réagisse. Je ne supporte pas l’autorité, toute petite je me rebellais contre l’autorité à la maison, à l’école, au grand désespoir de mes parents, se soumettre était pour moi renoncer à l’affrontement et à faire entendre mes idées, et surtout reconnaître la puissance de l’autre. J’avais dix ans et le repas s’était très mal passé, j’avais eu une mauvaise note ou deux peut-être, j’étais donc repartie à l’école très en colère, ma mère m’avait accompagnée jusqu’à la porte très en colère aussi, j’avais fait vingt mètres dans la rue et je m’étais retournée en criant avec une audace folle « merde », si vous n’avez pas mon âge vous ne pouvez pas savoir ce que signifiait le fait de prononcer cette injure à cette époque et surtout à ses parents, je n’avais jamais osé dire ce mot, et maman avec force avait dit « Ma fille, nous réglerons nos comptes ce soir », j’avais pris mes jambes à mon cou pour m’éloigner le plus possible du châtiment maternel, pas encore très téméraire tout de même. Il fallait rentrer à la maison, je suis revenue la tête haute, l’œil insolent, ma mère m’attendait, la punition aussi, maman assise sur une chaise un tricot dans les mains, moi à genoux sur un carrelage bien froid et très dur, il fallait que je demande pardon, « Alors, ce pardon » « Non, je ne dirais pas pardon » un petit coup de martinet (qui devait très vite perdre ses lanières dans les jours suivants) pour me rappeler que je n’avais pas le pouvoir. J’ai tenu des heures, ma mère aussi et j’ai fini par céder, tenaillée par la faim et la fatigue, mais avec rage, j’ai dit pardon les lèvres serrées. Le tricot de maman avait bien avancé. Je pense que ce jour là je me suis jurée que personne ne me ferait céder si je n’en n'avais pas envie. Je crois que j’ai tenu ma promesse.

Vous vous demandez peut-être pourquoi je vous raconte cela ? C’est tout simplement parce que je viens de finir « Mille soleils splendides » de Khaled Hosseini, un livre qui décrit le martyr des femmes en Afghanistan, soumises à un mari cruel, à une famille toute puissante, des femmes battues, des femmes qui doivent céder.

« Les hommes sont si bêtes, qu’une violence répétée finit par leur paraître un droit »Helvetius.

C’est exactement cela, la coutume est si forte, la majorité des femmes ne se rebelle pas, elles attendent les coups en mettant leur bras devant leur visage pour se protéger, il n’y a aucune échappatoire, leur famille ne les protègent pas, elles appartiennent à leur mari, elles sont des choses sans identité, en lisant je devinais la terreur dans leur regard, je ressentais la douleur après le passage de la ceinture de cuir sur leur peau. Il y a des femmes qui sont lapidées pour être arrivées au mariage dévirginées, elles rusent mais l’homme n’est pas toujours dupe.
Il y avait une famille arabe qui habitait tout près de chez nous en Algérie, mes parents avaient été invités au mariage, un honneur pour des français d’assister à cette cérémonie, je me souviens d’une toute jeune mariée maquillée à outrance, habillée luxueusement, les yeux baissés, elle n’avait pas le droit de sourire et elle ne connaissait pas son mari qui était là tout près dans une autre pièce avec les hommes, elle était offerte à lui sans avoir le droit de donner son avis. Le lendemain toute la famille attendait la preuve de la virginité, un drap tâché exposé à une fenêtre.
Le livre est l’histoire de deux femmes unies pour échapper à la violence de leur mari.
Un petit extrait : « De même que l’aiguille d’une boussole indique le nord, un homme qui cherche un coupable montrera toujours une femme du doigt ». Rien à rajouter.

« Mille soleils splendides » doit être lu, non seulement pour les femmes mais aussi pour ce pays, l’Afghanistan, qui est en guerre depuis trente ans, un pays martyr qui aura beaucoup de peine à connaître la paix, les ethnies sont nombreuses, tadjiks, pachtouns, hazaras, Ouzbeks. Il y a les trahisons, les retournements d’amitiés, les prises de pouvoir, la cruauté, les talibans qui édictent une charte terrible contre les femmes, qui affament le pays ; ce pays a été le fleuron de l’art, de la poésie, de toute la culture musulmane, hier j’entendais qu’il possédait une richesse incroyable dans son sous-sol, cela ne fera qu’amplifier le désir de le posséder. J’ai beaucoup appris en lisant ce livre, l’histoire de Laila et de Mariam habitantes de ce pays est émouvante. Non, il ne faut pas céder, Mariam a eu le courage de réagir.

Ma prochaine lecture « A moi pour toujours » de Laura Kasischke. La critique du Point « Un tempérament, un univers, un style. On ouvre le livre, on ne le lâche plus ». Je vous en parlerai.

La Belgique aussi a deux ethnies.






Ce soir il y a foot. Bye MClaire.